recueil de nouvelles

                     BIOGRAPHIE :

    Abdelmalek AGHZAF,

    Né à Azrou, ville du Moyen Atlas, au Maroc, en 1952.

    Études primaires à Azrou et à Aït Ishaq. Études secondaires à Khénifra. Études universitaires  et carrière de professeur de langue et de  littérature françaises à Fès.

    Père de trois enfants. Retraité depuis fin 2012.

                     DÉDICACE :    

    À l'âme et à l'esprit de mon père et de ma mère,

    À mon frère et camarade Brahim, à mon épouse Nezha, à Dalal, Amjad et Nejma, mes enfants.

                     PRÉFACE : 

    Comme dans toute expérience d'écriture, la nouvelle, comme genre littéraire, est sans aucune autre prétention. L'acte d'écrire, de relater des histoires est avant tout un besoin personnel. Celui de s'exprimer et d'en partager le plaisir, les idées, les sensations et les sentiments avec  autrui.

     Toujours est-il que c'est au lecteur de juger un tel travail. L'aimer ou ne pas l'aimer ; l'apprécier et l'oublier, comme pour toute autre création artistique.

                     Remerciements :     

                    À monsieur Alain Bonati et à monsieur  Bruno Challard,

      toute ma gratitude et mon respect d'avoir accepté de lire ma production écrite, d'en faire le suivi et de la faire éditer en  "Recueil de nouvelles", recueil de poésies et recueil de méditations, réflexions et chroniques.

       Je les remercie vivement pour leur grande confiance, leur  générosité, leurs encouragements et leur  amour pour la littérature.

       Mon blog où figurent tous mes recueils et tous mes écrits :

       http://azraoui.e-monsite.com/blog

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       «Il faut que la pensée voyage et contemple, si l'on veut que le corps soit bien.»  

                                                      ALAIN KAN

                                                 Nouvelles et Contes du Moyen Atlas : 

                                                              Oumedda, l'infortuné              

                                              En hommage à Boussetta Omar, en souvenir d'une grande générosité.

    Les années de plomb avaient bien touché la nation de long en large.

    Beaucoup de familles connurent profondément, plus que l'humiliation, les exactions de toutes sortes.

    Une vraie oppression sans pareil avec le sens même du terrorisme le plus fanatique où l'appareil de l'État jouait un de ces rôles les plus sinistres, marquant pour longtemps aussi bien des individus simples que des familles à notoriété locale, régionale et historique, que des tribus toutes entières se rappelleront toujours. 

    Certains parlèrent même d'un génocide caractérisé et systématique.

    Ainsi les Aït Khouya, à El Borj, à l'entrée de Khénifra connurent les plus difficiles années soixante dix du siècle passé et payèrent un des lourds tributs, en terre et en hommes(hommes, femmes, enfants) non pas pour leur soulèvement contre le pouvoir Makhzénien mais surtout parce qu'ils prêtèrent main forte aux acolytes armés d'Al Basri, prenant comme fief de leur "Révolution" à la Che Guevara, le Moyen Atlas.

    Les Aït Khouya, tribu des Zayans, étaient connus de tout temps pour leur courage, leur témérité et leur forte résistance contre la pacification française.  Ils étaient de farouches combattants. Les plus redoutés de tous ceux qui participèrent à la fameuse bataille de "El Hri"

Ils faisaient partie de l'armée de libération jusqu'en 1958.

    Oumedda était l'un de ses grands chefs charismatiques qui finit par être enrôlé, à ce titre, par les "Basristes", pour sa connaissance particulière de la montagne et pour son expérience de la guérilla.

     Le mal fut fait, quand quelques décennies après le retour de Mohamed V  de l'exil forcé et l'avènement de l'indépendance, le bruit des armes se fit entendre tout le long des forêts de chênes et de cèdres du Moyen Atlas, surtout autour du lac "Aglmam Aziza".

    C'étaient les années dures du règne du feu Hassan II.

    Khénifra et sa région devinrent zone militaire. On pourchassait les "infiltrés" armés du pays voisin, l'Algérie, de Oujda à Marrakech, à travers les reliefs très accidentés. Dans les bourgades du piémont, on organisait des groupes de rabattage de maison en maison, chaque famille devait présenter un volontaire, l"Amzzough" , en berbère, ou la'"Ouedniya", en arabe, ou encore "Tahyyaht", ou la battue, comme lors de la chasse collective au sanglier.

   À Aït Khouya, on vidait les mansardes et les tentes berbères manu militari, on envoyait les hommes, les femmes, moins jeunes, plus jeunes. Tous, sans aucune exception, à un quartier spécial, à la prison Sidi Saïd, à Meknès, ou on les engouffrait dans des hangars, dans la faim et le froid, en attendant les ordres d'en haut qui tardaient toujours de venir. C'était, en quelque sorte, couper les "Révolutionnaires" de leurs bases arrières.

  Très souvent, en plus des vols très fréquents, à basse altitude, des hélicoptères militaires, la panique générale gagnait le souk de la capitale des Zayans, on allait jusqu'à même prétendre  l'existence d'une bombe à l'unique salle de cinéma de la région, "l'Atlas". Alors, on l'évacuait. On voyait des bataillons de soldats escalader la "Table Zayan", plateau au nord- est de la cité rouge.

  On ne se sentait en sécurité qu'une fois, autour du Kanoun ( ou braséro ), la porte de la maison fermée à trois tours, échangeant des informations ou des nouvelles du jour, ni bien fondées, ni véridiques, ni complètes. C'était par ouï-dire, de bouche à oreilles. Tout le monde informait, en catimini, tout le monde. Tout le monde ne disait pas la Vraie " vérité" de  peur de tomber en représailles des uns ou des autres. Il n'y avait pas de journaux ou ils étaient rares. La radio et la télévision étaient bien ailleurs.

  Quand on avait quelques informations -toujours -  en compte - gouttes, c'était de la bouche même des victimes ou d'un parent éloigné ou intouchable !

  Pour longtemps, les familles des Aït Khouya furent contraintes au silence des morts.

  Bien plus tard, une information tomba, un jour de  ces années d'insouciance totale, entre les inter-lignes footballistiques, qu'un certain Oumedda mourut de mort naturelle, quelque part, en terre d'exil, en  Algérie, loin de sa terre, de sa tribu et de sa famille.

   Bien des années, après le discours de Mohamed VI, à Ajdir, autour de la culture et de la langue Tamazight, que certaines langues commencèrent à se délayer. C'étaient quelques vieilles personnes, encore vivantes, attendant l'heure fatidique de rendre l'âme, qui relatèrent la triste et malheureuse épopée comme unique legs ultime et légitime d'une génération passée.

  Pour le compte de qui? Pour quelle raison? On n'en savait rien, toujours est-il que les eaux d'Oum Errabia continuaient leur cours, de méandres en méandres, de El Borj à Khénifra, serpentant vallées et plaines, emportant les tristes souvenirs, pour enfin les ensevelir au fond des abysses de  l'Atlantique .

                  Fès, le 17/02/2013.

         Xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxcccccx ( voir la suite, ci-après ). %

        

                                            Nouvelle et conte du Moyen Atlas :

                                                 Aït Ishaq, la superstitieuse,...                             

    Outre les espiègleries de l'enfance, nous gardons,  pour toujours,  des souvenirs très marquants de ces hauts-lieux du Moyen-Atlas, où nous avions vécu une phase importante de notre puérilité pure, naïve et limpide.

    Zaouïa Aït Ishaq,

    Coin, presque perdu, du Maroc profond, où le Temps n'avait pas la même notion, comme partout ailleurs. Tout y relevait du mythe.

    Les Sept collines où perchaient des mausolées rustiques, parfois délabrés, de quelques marabouts, dont on ne savait rien, ni d'où ils venaient, ni de la nature de leur  *Baraka*, sauf les noms qui les distinguaient : Sidi Mimoun, Sidi Zekri, Sidi Mohammed Amhaouch,....

    Comme par hasard, tout autour de chaque édifice "sacré" il y avait son propre cimetière et que la bourgade rassemblait des gens de tribus diverses.

    Une fois, on creusa un tombeau pour y ensevelir un vieillard qui vint de mourir. On allait le mettre dans le trou, quand un des vieux sages tribaux vint s'interposer, en laissant comprendre à l'assistance funèbre que le mort n'appartenait pas à telle tribu et par conséquent sa place n'était pas dans ce cimetière. Il fallait lui creuser un autre trou, plus loin, sur le versant de la colline qui dominait l'entrée du village. Ce qui fut fait sans faute, mais  non sans difficulté ni amertume de quelque parent du défunt.

    Par ailleurs, près des mausolées, il y avait toujours quelques vieux oliviers sauvages qui frappaient le regard du visiteur étranger des lieux par les morceaux de toile de toutes les couleurs, suspendus des branches, des amulettes, parfois même, quelques tresses de cheveux de petites filles ou de jeunes filles vierges,...ou de femmes veuves en détresse,...

    À l'intérieur des bâtisses, près du tombeau en terre du dit marabout, étaient déposées quelques bougies, pas toutes droites, à cause de la chaleur et du temps qu'elles durent passer là. Par moment, on trouvait quelques pièces d'argent, déposées en offrandes pour avoir la bénédiction du Saint. Ce qui faisait le bonheur aux enfants de l’école buissonnière.

    Ainsi, malgré l'arrivée de l'islam, il y avait toujours la persistance de ces croyances païennes du pré-Islam dans ces contrées lointaines, contrairement aux grandes Cités, aux centres urbains où la civilisation prenait forme avec le temps qui changeait et passait.

    Bien que les habitants de la Zaouïa n'aient été pas tous des descendants des tribus environnantes et quoique la route secondaire (sur 7 km) ait été reliée (par les Colons) à la route principale qui allait de Fès à Marrakech via Khénifra et Béni Mellal, la population semblait vivre en autarcie sinon recluse sur elle - même, au dam du Makhzen. Tout un univers de superstitions étalait son ombre sur l'esprit des gens. Tout un brassage des trois religions (l'islam, le Judaïsme, le Christianisme) et le paganisme ouvraient l'esprit à des horizons mystiques insoupçonnables où la magie, la sorcellerie, la métaphysique l'emportaient plus sur tout autre chose.

    On entendait parler de déambulations nocturnes de la mythique "Mule des tombeaux" qui passait la nuit durant à visiter le patelin, d'une rue à l'autre, frappant la porte de l'un, griffonnant la fenêtre de l'autre et le lendemain, la nouvelle circulait qu'un tombeau aurait été profané la veille, qu'une main (ou un bras ou avant bras) du mort fut découpée ou arrachée.

    On savait que les filles de joie se consacraient à certaines pratiques sataniques.

    Ces filles de joie ("animatrices sociales", aujourd'hui!) faisaient peur par le tatouage qu'elles portaient sur le visage et à l'avant-bras et par toutes ces histoires extraordinaires  tissées autour de leur personne et de leur vie, en général. Pourtant, elles n'étaient pas toutes "sorcières" ni amies du "D'jinn". Elles étaient bonnes et généreuses, humaines et serviables. Elles tissaient de très bonnes relations avec les voisins, avec des familles notoires et respectées et même compatissantes envers les personnes défavorisées. D'où elles finirent par gagner le cœur de tous!

    Certes, quelques-unes parvinrent même à devenir des Divas de la région, sinon du pays en entier.

    Elles marquèrent leur époque, une fois devenues "Chikhates".

    les maisons de disques se les disputaient ! 

    Ce fut le temps des radio-transistor et des postes radio – cassettes !  

                           Fès, le 13/01/2013.

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                                            Nouvelle :

                                 Mon feu père et le Graâl

  Il avait ce don du ciel qui lui permettait de distinguer entre les pierres et les roches, celles qui contenaient des soupçons de minerais, après les avoir soupesées et scrutées de tous les côtés ; il arrivait à suivre certaines teintes, cuivrées et luisantes, soupçonnant la présence d'un "filon" de quelques minerais de valeur.

  Cela lui prenait des jours et des jours de promenade à travers la montagne de l'Atlas et ses collines environnantes, reprenant les mêmes gestes qu'il devait entreprendre avec les colons français, avant l'avènement de l'indépendance du Maroc. Il nourrissait ce grand espoir qu'un jour, il tomberait - non pas  sur le *Graâl* - il n'en savait rien, plutôt sur le minerai le plus convoité et le plus recherché : l'Or !

  Ainsi consacra-t-il tous ses congés payés et impayés, ses temps de loisir et enfin de compte, toute sa vie d'infortune à ces interminables recherches et cette longue quête qui restera quand-même vaine, en prenant, parfois, les sentiers les plus tumultueux et non moins dangereux. Quand il revenait, enfin, chez lui, il portait un sac plein de pierrailles de toutes les couleurs, de toutes les formes, de tous les poids et nous passions des soirées, parfois, toutes entières à l'écouter parler, parler, avec une ferveur particulière de ses trouvailles, du "Trésor" comme il l'appelait, lui - même, dans sa naïveté simple , vraie et sincère qui s'élargissait à son rêve de devenir, un jour, riche sinon richissime.

  Pauvre Papa, il n'avait jamais su faire la part des choses, ni mesurer la distance entre le rêve et la réalité.

  Ces pierres ont dû voyager avec la famille d'une contrée à une autre du Moyen Atlas. Il en emporta avec lui, une fois, en allant en France, croyant toujours que chez les *Roumis* ou les *Chorfas*, c'était selon, il y avait de vrais laboratoires miniers !

  Le jour où on me dit, en retrouvant ma petite ville natale Azrou, à la fin d'une année scolaire à Fès, que mon frère Brahim passait toutes ses journées, du matin au soir, sur le bord de la route, à la sortie de la ville, à présenter son étalage de "roches" aux touristes étrangers, assoiffés d'exotisme, de curiosités et peut-être même qu’ils devaient être de vrais connaisseurs en fossiles, je me suis dit : -Tiens, la verve du père est bien passée par là. Dès lors, mon frère dût hériter ce côté romantique de la quête du Graâl.

  Ce fut là, la poursuite d'un rêve qu'une roche singulière et unique fasse la différence avec le quotidien maigre et annoncerait la bonne nouvelle à Maman qui était plus réaliste mais qui finit, par la suite, par croire - un peu - en  la chance qui pourrait sourire au père et à ses enfants, en cette époque - là,… Celle des vaches maigres.

  Les années passèrent,...

  Les rêves restèrent des rêves.

  Mes parents moururent et leurs rêves aussi.

  L'Atlas est resté le même.

  Les pierres et les roches gardent toujours leur secret au fond de la Terre.

  Du rêve au mythe, la quête du Graâl ne garda enfin qu'une morale et une seule :

  La Vie - rêve et labeur, souhaits et désirs, jusqu'à la Mort. Mirage infini.

                      Fès, le 25/11/2012.

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                                                     Nouvelle et conte du Moyen Atlas :

                                                                   Vache et voyante.                       

   Mon feu oncle se fit voler une vache, la nuit, de sa modeste écurie, dans un village lointain.

Des amis à lui, lui conseillèrent la consultation d'une célèbre voyante, à Fès, prénommée : Kharboucha.

   Celle-ci était d'une notoriété quasi nationale, puisqu'on disait d'elle qu'elle  jouissait de certains privilèges de la part des autorités locales et des services de la gendarmerie royale à qui elle rendait toujours service quand les gendarmes venaient la trouver pour lui demander son concours afin d'élucider quelques affaires compliquées ou certaines de leurs enquêtes insurmontables !

   Enfin, accompagné de sa femme, "Khalti", mon oncle prit le car, un bon matin. Il arriva chez nous pour les raccompagner chez la dite cartomancienne à Dokkarate. Ce qui fut fait.

   À la maison de celle-ci, il y avait une salle d'attente avec une grosse femme "négresse", servant de secrétaire d'accueil. La consultation durait cinq à sept minutes sous forme de questions/réponses et le jeu de cartes faisait le reste. Surtout que celui-ci (le jeu de cartes) avait droit au rituel parfum exotique et sacré qui emplissait l'air de la petite pièce retirée qui servait de bureau de la voyante. Cela donnait à l'instant toute sa sacralité, une ambiance presque religieuse : de l'ambre, du jasmin et de l'encens censé provenir directement de la Mecque.

   À la fin de la visite, mon oncle n'hésita pas à payer les deux cent dirhams que coûtait cette séance de prédiction. Pour des informations qui restèrent toujours ambiguës : 

   " - La vache devait être volée par un certain Abdellah ou Ahmed ou Aïssa ou Moussa."

   " - Qu'elle serait retrouvée, en cinq jours ou cinq souks ou cinq mois ou cinq ans !! "

   Avant leur retour au Bled, Khalti, qui avait beaucoup de foi, était toute radieuse. Elle ne cessait de louer le dit "professionnalisme" de la fameuse voyante. Quant à mon oncle, il avait le visage déteint de toutes les couleurs de joie ou de bonheur. Il ruminait un certain ressentiment et son silence en disait long, pour la duperie dont il fut victime : 

 "- Une vache de perdue et de l'argent jeté par les fenêtres, voilà pour la visite inopportune à Fass, la cité de Moulay Driss, que Dieu nous donne de sa "Baraka" !!! "

   Sur le visage de mon oncle, je voyais se creuser déjà d'autres rides, en plus de celles des multiples soucis quotidiens de la vie à la campagne.

    Un mois après, on m'apprit que la vache volée devait être vendue à un boucher du coin, chose si fréquente, en de telles circonstances, et que tous les habitants du village ou ceux qui venaient au souk, des Aït Aàziza, en achetèrent, au moins une livre ! Sans se soucier le moindre du monde de sa provenance!

    En toute probabilité, mon feu oncle, qui faisait, comme à l'accoutumée, le souk du Jeudi des Zayans de M'rirt, en en  revenant, le soir tombant, chez lui, à Souk El Had Oued Ifrane, devait acheter, lui-même, chez le même boucher, deux livres et demi - peut-être même de la viande de la vache volée, sans s'en rendre compte! Il ne pouvait se l'imaginer, loin en fallait, encore moins, se soucier de le savoir. Dieu est grand !

                  Fès, le 21/01/1981, à Fès.

                                Réédité, le 24/02/2013.

                                                                           Hommage à feu mon oncle et à Khalti Batti.

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                                Nouvelle : 

                                    L'infirme

   Il boitait bel et bien, traînant légèrement un pied sur l'autre et ne pouvait cacher son infirmité, en traversant cette cour, en toute sa longueur, passant devant un groupe d'écolières; les quelles échangeaient de petits gloussements et parfois de larges rires, passant leurs minces doigts à travers leurs mèches de cheveux comme pour cacher quelques méprises.

  Il trouvait toute la difficulté du monde pour venir au bout de cette "traversée du désert", comme à chaque fois qu'il se sentait le besoin de se promener, loin de chez lui, à la recherche de nouveaux espaces isolés, dépeuplés, et, méconnu et anonyme. Il pouvait se consacrer à tout autre chose qu'à cette idée fixe qui le hantait, dans une obsession maladive.

  Il prenait toute la liberté d'être soi-même, sans rencontrer ces fameux regards obliques.

  Il n'était pas responsable de cette vilénie physique et il le savait mais cela lui développait un profond sentiment d'une certaine injustice de naissance. Ne pas être ni paraître comme le commun des mortels. Comme s'il ne pouvait leur ressembler, par sa propre volonté . Il savait, pourtant, que personne ne se faisait soi-même, comme devant un miroir. 

  Il le savait, avant d'apprendre l'alphabet de la vie.

  Ce fut là, la première différence, le distinguant des autres mômes de son quartier.

  Alors, il cherchait, toujours, les moyens qui pouvaient compenser ce manque d'être au même pied d'égalité physique comme les autres : les arbres, les papillons, les moineaux, les étoiles,...

  Cela mûrissait en lui, il dût faire beaucoup plus d'efforts que les autres afin de réussir tout ce qu'il entreprenait.

  Dans la phase ludique de son enfance, il inventait des jeux et découvrit - très tôt - qu'il possédait une de ces facultés créatrices dont la Nature ne dotait que les enfants qu'elle chérissait le plus, ce qui lui permît d'avoir, enfin, un don pour épater les autres.

  Par la suite, il prît la voie de la connaissance, par l'apprentissage et dût prendre les premières places, avoir les meilleures notes et apprît par là, qu'il pouvait pousser tous les autres à l'approcher, à l'aimer, à...profiter de ses atouts, en faisant abstraction des remarques qui pouvaient toucher son infirmité.

  Il finit par gagner le respect de tous et eût confiance en soi. Une certitude quand même : ne jamais pousser la fierté à l'orgueil ni à la vanité, ni à l’arrogance même.

  Rester soi-même, modeste, mais toujours trimer pour aller de l'avant.

  Il apprît avec la force du temps que dans la vie, ce qui compte le plus, c'est surtout ce sentiment n'ayant aucun prix, mais ayant une grande valeur humaine : l'amour, l'amitié, la confiance et la sincérité.

  Le travail, l'abnégation et l'assiduité font de l'homme un être positif, allant dans le bon sens de la nature.

  Face à l'infirmité physique qu'on accepte comme état de fait - aberration de la Nature- on ne tolérera jamais l'erreur des actes ni la méprise de la pensée ni la vilénie de la parole.

  Ainsi se fonde-t-elle, cette sagesse qui vient avec l'âge et cette volonté de changer du pire au meilleur. La leçon de la vie est là.

  La grandeur est de cœur et d'esprit. Il reste à en tirer bonne leçon et bonne conscience.

  Il n'y a pas, par ailleurs, aucune autre recette du Bonheur Continu. Le reste est éphémère.       

                    Created : 2012-11-28 11:01:45

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              Nouvelle :

                   Sous l'olivier de la canicule,

   Ce ne fut point par hasard qu'il changea de chemin, ce jour-là, pour aller du côté d'un terrain vague, peuplé de ce qui restait d'une oliveraie, quelques orphelins arbres offrant aux piétons, fatigués d'une longue marche sous le soleil, quelque ombrage  suffisant pour le plaisir d'une pause, avec cette chaleur ardente de cet été- là, tellement caniculaire.

    Il se laissa presque tomber au pied de l'olivier. Essoufflé, suffoquant et respirant avec difficulté. Quelques instants après, il sentit comme un bruissement d'ailes d'oiseau atterrissant sur une branche le rendit à ses esprits. Légèrement, il leva les yeux tout doucement et vit un pigeon sauvage au plumage gris sombre en train d'entamer sa toilette, avec son roucoulement de satisfaction et dans une indifférence quasi totale.

   -Nous voilà, tous deux, maintenant à élire escale en cet arbre béni de Dieu, pensa-t-il.

   En ce moment de la journée estivale où le soleil était au zénith, la circulation des hommes et des véhicules se faisait rare ou se réduisait sensiblement. Seuls quelques étrangers nordiques, venus de si loin pour chercher leur dose de chaleur africaine, pouvaient se hasarder, à demi nus, heureux, marchant dans un bonheur ostensible, sous ce soleil de plomb, étalant la blancheur de leur peau aux rayons solaires qui la rougissaient par les places les plus exposées.

 À chacun son bonheur, là où il peut le retrouver.

  Dans son rêve diurne, durant ce laps de temps d'une sieste forcée, sur le fond musical du roucoulement du pigeon sauvage, le marcheur fatigué se voyait aux sommets de la montagne au Moyen Atlas, en train de garder un troupeau d'ovins et de caprins, bien repus, prenant une sieste méritée, bien paisiblement tout en ruminant leur repas quotidien.

   Et là, c'était toute la fraîcheur favorisée par l'altitude et le restant éternel des neiges hivernales.

   La nature procurait tout ce qu'elle avait de bon et de beau, en plein air, sans aucun artifice, ni pollution, ni extravagances, ni exagération.

    Il chantait à toute voix, comme il respirait à plein poumons, seul l'écho des vallons d'en bas reprenait ses refrains de chants berbères relatant des histoires épiques d'amour platonique ou d'amour impossible,...

    Il se réveilla en sursaut à cause des klaxons des véhicules qui commencèrent à peupler la route au bitume ou à l'asphalte encore brûlant, en cette fin de journée. Ce fut le coucher du soleil, il leva les yeux. Le pigeon n'était plus là. Il se leva et continua son chemin. Il avait encore dans son esprit quelques refrains qui l'obsédaient du rêve qu'il venait de faire, se lamentant de ne pouvoir l'avoir fini à sa guise:

 _Tout de  même, ces klaxons de malédiction, ils te pénètrent à même l'âme ! Quelle civilisation !?

                                  Fès, 16/01/2013.

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                     Nouvelle : 

                                Rescapé du Typhon,

   Dans l'œil du cyclone, se débattait, avec force, tournoiements et gesticulations, le héros du naufrage.

   Aucun  secours à l'horizon. Soulevé par des forces invisibles, envoûté par la poussée infernale du tourbillon, il fût assommé par les sifflements assourdissants de la tornade. Tantôt, il touchait quelques herbes du sol, pour s'y accrocher, mais il se trouva éjecté en l'air avec l'herbe déracinée entre les doigts, tantôt, il attrapait à la volée une branche du vieux peuplier qui se brisa en mille morceaux en le suivant dans son envol si forcé et fort violent,...

   Dans les yeux en larmes, s'accumulèrent des grains de sable et tout s'assombrit soudainement !

   Quand il reprit ses esprits, il se trouva, atterri juste à côté d'un petit toit de cheminée à même le sol.

   Plus rien,...aucune autre trace de vie, ni de sa demeure, ni des maisons d'alentours, un désastre, du désarroi, que des amas hétéroclites à longueur du regard.

   Seul un spectacle de désolation régnait en despote. Le déluge vint de passer cédant la place à une pluie fine qui tombait tout doucement du ciel si bas,  l'obscurité étalait son voile sur les lieux de détresse, fort sinistrés.

   Il se dit que c'était le moment propice d'aller à la quête d'un abri plutôt "salubre" et quelque bouteille d'eau, restée indemne !

   Grande catastrophe naturelle, grandes en étaient les pertes de tout genre. Le voilà seul, solitaire, malgré lui. Au paradis ou à l'enfer ?!

   Il n'avait pas le temps ni de le savoir ni d'y réfléchir, tout simplement.

   Rescapé, il le savait.

   La survie. Voilà à quoi convergeaient aussi bien son esprit que toutes ses pensées, voire les palpitations de son cœur.

   -Demain, il fera un autre jour, pensa-t-il, une autre vie commencera- avec tous les espoirs et toutes les espérances du monde !

   Du moment que la providence l'avait épargné, il y avait de l'espoir qu'une nouvelle vie devrait l'attendre.

   Il renaîtrait, de nouveau, il serait un autre. Comme l'herbe, comme l'arbre, il connaîtrait les quatre saisons et le printemps serait pour lui le temps de la régénération.

   Ne faisait-il pas partie - lui aussi - de la nature ?! Peut-être qu'il n'était pas la seule victime ni le seul rescapé.

   Il passa une grande partie de la nuit à se poser des questions, à tenter de trouver des réponses à certaines, à en délaisser d'autres : les plus philosophiquement compliquées et finît par se soumettre aux forces exigeantes du sommeil. Paix de l'âme et soulagement bénéfique du corps.

   Tellement vidé, complètement affaibli, carrément Coi, enfin.

    Cette nuit-là, il rêva, pour l'unique fois de sa vie, d'un voyage - touristique - aux fins fonds de l'océan pacifique, sur une île désertique, paradisiaque, aux forêts luxuriantes, aux eaux vert émeraude, au sable blanc, couleur de la peau de sa compagne emportée par la tempête, et aux coquillages en jade.            

                                Fès, le lundi 28/01/2013.

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                       Nouvelle :

                                      À chacun son Dieu. Bouchraâ a le sien,

        Ce jour-là, en pleine cuite nocturne, Bouchraà insulta la bouteille de vin à moitié vide et de son crachat saliva le "Chaud Soleil".

       Il décida subitement de finir avec l'alcool et d'aller à la Mecque, laver ses os avec de l'eau bénite de "Zamzam" des péchés qui auraient collé à son corps et souillé son âme. Lui, qui avait délaissé sa femme et ses six enfants pour épouser la bouteille et enlacer les filles de joie dont il se lia en mariage -éphémère - quelques unes, par coup de foudre ou par ce plaisir insatiable de la bonne chère, du vin et du bonheur charnel,...

       Aujourd'hui, il décida d'en finir avec toute cette débauche et retrouver enfin la voie du repentir.

      On lui organisa une de ces fêtes fastes et grandioses où les tribus des Marmoucha y participèrent avec leurs tentes, tapis, folklore, chants et danses l"Ahidouss".

      C'est dire qu'ils fêtaient un notable (chef des forestiers!), doublé d'un des leurs, puisque Bouchraà descendait des tribus d'Azrou.

      On monta deux grandes tentes"Zayanes", l'une pour les notables et les officiels, l'autre pour le petit peuple.

     Ainsi, on pouvait bien profiter des chants, des danses et,...du Whisky, dans l'une et dans l'autre, se prosterner devant les litanies ressassées des "Tolbas" récitant la parole divine du Saint Coran, à longueur de la fête des trois jours. Il y avait deux groupes qui se relayaient indéfiniment, pour ainsi finir les cent quatorze "Sourates" du Coran. La "Salka" comme on disait.

     Pour le simple passant observateur, il y avait là comme qui dirait une sorte d'image métaphorique de la vie sur terre et celle de l'outre - tombe ! On pensait aux plaisirs ici-bas et on avait, quand même un regard sur l'au-delà,...

     Les ans passèrent, on perdit de vue L'Hadj Bouchraà, quand un jour, alors qu'un ami intime à lui, se promenant au boulevard Mohamed v, à Fès, le rencontra et l'invita à prendre un café à la terrasse de "La Renaissance". Seulement, à sa surprise, il se laissa inviter à prendre un pot au bar-restaurant "La Chope".

     La surprise fut plus grande quand Bouchraà "L'Hadj" demanda : 

   -Un double Whisky, pour moi !

   -Et alors, l'Hadj, tu as bien fait le pèlerinage et maintenant tu reviens à l'alcool?!?

   -Oh, tu sais, mon cher ami, moi, je suis allé à la Mecque rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu. Comme ça, maintenant, je suis plutôt libre comme le vent de l'atlas.

     Reprenant son périple de fêtard, il ne ratait jamais les occasions d'une orgie dionysiaque ou de nuits bacchanales chez les filles de joie bacchantes, un peu partout dans les villages de l'atlas, jusqu'au jour où il rendit l'âme, abdiquant, enfin à la force et à la loi inéluctables de la vie et de la mort sur terre.

     En effet, il y a une fin à toute chose, bonne ou mauvaise soit - elle !                           

                                      Fès, le 14/02/2013 

                                                             Pour la Saint Valentin !

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                            Nouvelle :

                                     Scènes du village,

    Ce matin, du 31/01/2013, Un jeudi, jour du Souk Zghira Bni Rabiaa, au-dessus du barrage Al Wahda, dont nous pouvions contempler la beauté et la grandeur, on dirait bien une mer.

    Avec le soleil qui se levait lentement, sur la surface, contiguë à la mince route traversant le village, sur une pente douce, s’installaient les tentes de différentes formes, les marchands déballaient les gros sacs en fibre de leurs marchandises.

    À cette heure très matinale, la vie commençait à animer la place, les gens s’affairaient à la préparation d’un jour de marché hebdomadaire avec des gestes habituels. Ici, se rassemblaient tous les habitants des régions avoisinantes. On y venait à dos d’animaux de somme ou à pieds ou prenant ces camionnettes (Mercedes 207,…), les seuls moyens de transport, en vigueur encore aujourd’hui.

    La campagne, de l’autre côté du Souk, une colline d’oliveraies donnait au paysage toute une couleur pittoresque, sous un ciel bleu et serein de fin Janvier. L’accoutrement des femmes était des plus singuliers, toutes ou presque, portaient, nouée autour du bassin, une sorte de longue serviette en coton artificiel, rayée en rouge et en blanc jaunâtre. Certaines portaient une “Taraza”, sorte de chapeau en paille, en guise de parasol. Elles étaient bien couvertes, de la tête aux pieds. Sur le visage, les signes bien marqués du dur labeur qu’elles devaient assumer à la campagne.

   Les signes non-trompeurs de la difficile condition des femmes dans le milieu rural!

   La plupart des hommes portaient des djellabas aux couleurs fades, en enfouissant leur tête dans les capuchons, bien que le soleil ait été déjà levé et qu’une température tempérée régnait.

   À la terrasse du Café où je m’installai, je pouvais profiter d’une vue imprenable de la mince route qui descendait, traversant le petit village et le Souk, installé là; peut-être avant la construction du Collège où travaillait ma fille en tant que professeur de français, depuis deux ans déjà.

   Vers le coup de midi, la chaleur monta d’un cran, les gens commencèrent à affluer en grand nombre sur le souk qui devenait au fur et à mesure une sorte de lieu de pèlerinage où les gens et les bêtes,- que des ânons (les bourricots de petite taille qui se ressemblaient tous!), se côtoyaient, des différents côtés du marché.

    Soudain, comme si on avait secoué une fourmilière, une foule se précipita, en courant derrière un jeune homme : voleur à la tire qui ne fut rattrapé qu’à la sortie du souk, d'en dessous des oliviers de la colline d’en face.

    On le ramena et l’attroupement se gonfla de plus en plus de badauds et de curieux, mais surtout de personnes criant, gesticulant et vindicatives. Elles ne cessaient d’asséner des coups de poings et de gifles de partout au petit délinquant.

    Les yeux hagards, il tentait de s’agripper aux vêtements d’un personnage -représentant des autorités locales, peut-être, - pour ainsi fuir une scène de lynchage collectif ou une sorte de tribunal populaire !

    On finit par engouffrer l’infortuné dans une Mercedes Benz 207 Orange, afin, sans aucun doute, de le ramener au Centre de Gendarmerie sis près du Barrage, à quelques kilomètres de là.

                     

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   Nouvelle :

                     La nouvelle magique,

      Personne n'aurait pensé qu'elle allait devenir celle qu’elle est devenue : la coqueluche de toute une région, dont parle toute la presse, dont le nom suffit pour enclencher tout un mythe.

     Déjà, très jeune, dans ce Douar, coin perdu entre monts et vaux et quasi introuvable sur la Mapp de Google, pourtant très détaillée, la silhouette de Khaddouj Bent Jilali ne passait pas inaperçue. Les ouvriers agricoles la regardaient avec une envie maladive de la dénuder des quelques vêtements qui dissimulaient mal ses rondeurs et ses richesses charnelles provocantes. Plus d'un ne cessait de rêver l'approcher, la toucher, la dorloter et s'enivrer des saveurs incommensurables qui en émanaient.

      Tous les regards, même ceux des femmes endurcies par le labeur, l'âge et les multiples accouchements, restaient accrochés à sa longue chevelure qui ondulait sur les épaules telle la crinière d'un cheval arabe en pleine chevauchée.

       On chantait son unique beauté et sa magique splendeur, partout, à l'occasion des fêtes de mariage et de baptême.

        -Pourquoi personne ne vint demander sa main? Personne n'osait répondre à cette question qui dérangeait surtout ses proches (il n'y avait que sa mère : on disait vieille sorcière !). Le père   : aucun souvenir, sinon qu'il fut tué dans une obscure affaire de contrebande ou de trafic de stupéfiants : industrie ayant, généralement, fait la renommée malsaine de cette région montagneuse, très accidentée, réputée comme telle, on préférait ignorer jusqu'à son existence. Aucune route n'y menait.

         -Que savait-elle de la vie ? Des hommes ? De la ville ? De la politique ?

         -Rien !

        Mais sa personnalité mûrit avec le temps, sa célébrité prit de la forme et le jour vint où, on ne savait ni pourquoi ni comment, on décida qu'il fallait élire des représentants des Douars pour, enfin, entrer d'emblée, dans la modernité, comme on entendait ressasser sans fin à la  radio.

        Tous les habitants de cette contrée n'avaient qu'un nom à la bouche : Khaddouj Bent Jilali.

        Outre la risée collective, les anecdotes des mauvaises langues, il n'y avait pas d'hommes capables d'élever le défi devant elle.

        Elle et elle seule pouvait relever ce défi par sa force de caractère, sa franchise et sa présence qui fascinait tout le monde par son incandescence et son magnétisme.

        Ainsi faisait-elle taire les mauvaises langues et aiguiser le désir non dit des hommes, des notables qui aimeraient bien qu'elle les ait représentés, qui sait, peut-être qu'un jour, ils profiteraient de ses faveurs, les plus escomptés de tous.

          Le charisme, le bon sens et certainement la soif d'une justice ou d'un sentiment de vengeance contre le mauvais sort et la malchance sont, de toujours, les meilleures armes pour être au premier rang de diriger les hommes et mener les foules. L'idéologie, les calculs, la diplomatie viennent après.

          Ainsi, elle se mit à la tête des listes, elle vainquit les plus redoutés de ses adversaires, pourtant, partisans chevronnés.

          Elle défraya la chronique. Elle devint l'événement des temps qui couraient.

          Elle gagna le respect de tous et entra par la grande porte dans la cour des Grands. 

          On croyait qu'elle allait changer, mais rien ne fut. Elle resta la même, dans son fort intérieur. Seul son tailleur, sa coupe de cheveux donnèrent un plus à son attrait et à son magnétisme si naturel : don du ciel !              

                                  Fès,le 29/10/2012.

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                  Nouvelle : 

                    Courtois malgré lui,

   Il ne passait pas pour être courtois, pourtant, en cette fin d'un après midi automnal, alors qu'il était versé dans ses pensées mornes, en attendant l'arrivée du bus 23 blanc, il ne s'empêcha  pas de céder sa place sur un banc en ciment à de jeunes femmes accompagnant une sénile à l'allure  certainement mal en point.

  Il se mit à faire les cents pas afin de se dégourdir les jambes,

 -Monsieur, savez-vous si ce bus s'arrêtait près de la clinique Chami ?

 -Oh non, peut être pas euh un peu , sinon loin de là.

 -Ah bon !

 -...mais si vous voulez que je vous tienne compagnie pour vous y amener, je peux toujours, car c'est  sur mon chemin, de ce côté-là. 

  La jeune femme qui parlait bien, voulait quand même savoir ce que ses compagnes en pensaient. Elles chuchotèrent  un moment et puis,...

 -Oui, monsieur, vous serez très gentil, si cela ne vous dérangerait en rien,...

 -Oh non, au contraire, cela me fera un grand plaisir.

  Le bus arriva. Il laissa tout le monde monter et prendre place et avec une patience extraordinaire, il monta à son tour et tenta de voir où se furent installées les cinq personnes. Il pensa qu'il devait être tout proche d'elles. surtout, maintenant qu'il s'engagea pour leur rendre service. Il s'approcha d'elles mais non sans grande difficulté, en se suspendant aux ceinturons hissés au-dessus des têtes des passagers.

  Avenue Hassan II, Place de la Renaissance, il leur fit signe que c'était à cet arrêt-là qu'il fallait descendre. Hochant  la tête, elles firent savoir qu'elles acquiessaient et qu'elles comprenaient le message.

  Ce fut tout un problème pour que la vieille ait pu dévaler les quelques marches du bus. Elle allait bien tomber, avec les coups de frein secs du véhicule aussi âgé qu'elle.

  Il fallait marcher très lentement et traverser toute la place, prendre des rues et puis d'autres adjacentes pour se trouver enfin devant l'établissement sanitaire privé, anonyme, sans aucune marque qui le distinguerait des autres immeubles si anciens. Entre temps et raison de passer le temps de la traversée, il apprit qu'il s'agissait d'une vieille retraitée des PTT, ses trois filles et sa belle fille. Elles devaient avoir un rendez-vous avec le médecin traitant une méchante arthrose. Il se dit qu'à cet âge-là, tous les maux étaient possibles.

 -Ah, monsieur, vous êtes bien serviable. Nous ne pouvons que vous remercier très vivement , nous y sommes enfin. Il y a peu de gens qui vous rendraient service, aujourd'hui, avec les temps qui courent,...

 -Oh, ce n'est rien tout ça, tout le plaisir est pour moi, d'ailleurs, j'allais venir juste à côté, dans la ruelle du coin. C'est pour ma retraite.

 -Avez-vous un numéro de téléphone, raison de garder contact et vous faire connaître mon mari. Il est commissaire à la D.S.T.( direction de surveillance du territoire) ?

 -Ah non, à mon âge, je n'arrive pas à mémoriser les chiffres. Cela ne fait rien. Au revoir. Bon rétablissement, ma mère.

 -Que le bon Dieu te bénisse, mon fils.

   Arrivé devant l'entrée de la mutuelle générale, il lut la notice en gros caractères signifiant que les bureaux se fermaient à 16 heures, l'heure d'été qui n'en finissait pas, se disait-il, en regrettant d'avoir fait tout ce trajet, pour Rien.                       

                                          Fès, Le 25/12/2013.

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